26 Août
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La crise politique en cours au Mali met à l’épreuve la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest. L’organisation sous-régionale peine à trouver une issue rapide à une situation potentiellement explosive pour la sous-région.

Ce lundi 24 août 2020, après trois jours de discussions avec les militaires du Comité national pour le salut du peuple (CNSP), la mission de la CEDEAO conduite par l’ancien président nigérian Goodluck Jonathan a quitté Bamako sans le moindre accord sur les modalités de la transition politique. Un véritable échec pour une mission qui s’était déplacée avec dans ses valises un agenda clair : rétablir l’ordre constitutionnel renversé par les militaires au Mali.

De fait, la crise malienne en cours depuis les élections législatives controversées de mars-avril 2020 devient un os dans la gorge des dirigeants de la CEDEAO à plusieurs égards. Les multiples développements de la situation politique tendue dans le pays n’ont pas fini de révéler les faiblesses de l’organisation communautaire.

En effet, les revers de la CEDEAO à Bamako ne datent pas des récents épisodes de la crise qui a coûté son fauteuil au président Ibrahim Boubacar Keita. Il est peut-être utile de rappeler ces revers-là avant de remonter plus loin. Les condamnations de principe qui ont suivi le coup d’Etat déguisé suivies de sanctions contre le Mali ne sont pratiquement plus à l’ordre du jour. En effet, la mission de médiation de la CEDEAO dépêchée à Bamako depuis le samedi 22 août n’a plus négocié le rétablissement du pouvoir renversé d’IBK mais plutôt les contours d’une transition politique.

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Désaveux

Conséquemment, la CEDEAO fait face à de multiples désaveux. Elle avait martelé à travers communiqués et résolutions que la junte organisée en Comité national pour le salut du peuple doit remettre le président déchu en fonction. Peine perdue désormais : le président avait lui-même prononcé sa démission, certes forcée, puis a confirmé sa renonciation au pouvoir aux émissaires de l’Afrique de l’Ouest. Dans une partie de foot, ça donne : “CNSP 1 – 0 CEDEAO”.

Déjà, lors de ce qu’on peut appeler “match aller” entre Bamako et la CEDEAO, cette dernière avait perdu. De quoi s’agit-il ? L’ultime solution proposée par les chefs d’Etat de la CEDEAO pour éteindre le feu bien avant le coup d’Etat avait déjà été bafouée. La crise, pour rappel, a eu comme élément déclencheur l’inversion d’une partie des résultats des législatives par la Cour constitutionnelle du Mali. Une dizaine de sièges attribués au parti du chef de l’Etat sont contestés par l’opposition. En tout 31 sièges sur 147 étaient concernés par les contestations.

Pour désamorcer la crise qui était déjà dans la rue avec des mouvements de désobéissance civile, la CEDEAO avait alors recommandé la démission des 31 députés contestés parmi lesquels, le président de l’Assemblée nationale. Tout un symbole. Mais les mis en cause ont clairement refusé de s’exécuter. Pourtant, la rue réclamait davantage : la démission du chef de l’Etat. La suite, on la connaît : une mutinerie lancée mardi 18 août qui débouchait sur le délogement d’Ibrahim Boubacar Keita. Au grand soulagement de la rue et de l’opposition.

Les divergences de vues qui seraient nées à l’occasion du sommet virtuel des dirigeants ouest-africains sur la situation au Mali n’arrangent pas l’image de l’organisation.

Régulièrement désignée comme un modèle d’intégration politique et économique en Afrique, la CEDEAO semble pourtant dans le cas de la crise malienne décevoir par ses prises de position. Les réactions sur les réseaux sociaux après l’annonce de l’embargo économique contre le Mali comme moyen de pression en donnent une idée. Et ce n’est pas tout. Les divergences de vues qui seraient nées à l’occasion du sommet virtuel des dirigeants ouest-africains sur la situation au Mali n’arrangent pas l’image de l’organisation.

Des médias, Jeune Afrique notamment, ont révélé des coulisses des discussions faisant état de l’émergence de deux positions, celle des modérés (Macky Sall du Sénégal, Christian Kaboré du Faso) et celle des radicaux (Alassane Ouattara de la Côte d’Ivoire et Alpha Condé de Guinée) contre le coup d’Etat au Mali. Les deux derniers, tenants de la fermeté contre le changement de régime au Mali ont en commun de viser, l’un officiellement et l’autre probablement, un troisième mandat à la tête de leur pays. Un troisième mandat qualifié de coup d’Etat en plein sommet par leur homologue bissau-guinéen.

Le partage surréaliste par Umaro Sissoco Embaló sur sa page Facebook des affirmations de Jeune Afrique donne du crédit à ces révélations pour le moins inédites en diplomatie et suscite des interrogations : que fait la CEDEAO pour éviter que les crises ne dégénèrent ? En l’occurrence, les troisièmes mandats que visent l’octogénaire Condé et le septuagénaire Ouattara ne préoccupent-ils pas la CEDEAO parce qu’ils sont sources de tensions en Guinée et en Côte d’Ivoire ? Sur ces deux foyers et celui du Mali, l’organisation communautaire a assurément rendez-vous avec son avenir.

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