29 Avr
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Depuis le début de cette semaine au Bénin, les internautes parlent d’un sujet pas si courant, la “reconnaissance de grossesse”. C’est une obligation prévue par la loi. Une disposition pas si nouvelle mais qui visiblement surprend, d’où les questionnements qu’elle suscite.

Au Bénin, les internautes ont subitement découvert qu’il existe une obligation de reconnaissance de grossesse comme condition d’enregistrement de la naissance d’un enfant avec le nom de son père. L’une des dispositions légales  partagées sur les réseaux sociaux énonce en effet :

“Aucune mère ne peut attribuer à l’enfant nouveau-né, le nom d’un présumé géniteur que sur présentation d’un certificat de mariage ou d’une déclaration de reconnaissance de la grossesse établie par l’officier de l’état civil. Aucune sage-femme, aucun médecin accoucheur ne peut inscrire sur la fiche de naissance, le nom d’un quelconque présumé père si la femme n’apporte pas au moment de l’accouchement, la preuve du mariage ou de la reconnaissance de la grossesse.”

Cet article (148) du Code de l’enfant, n’est pas singulier en soi. Dans la même loi traitant de la prise en charge holistique de l’enfance votée en 2015, il est prévu que la grossesse doit être reconnue par son père dès les premiers mois de la conception :

“Tout enfant conçu doit être reconnu par son géniteur dans les trois (03) premiers mois de la conception par les moyens d’une déclaration sur l’honneur faite devant l’autorité administrative la plus proche du lieu de sa résidence, faute de quoi l’enfant, à sa naissance, porte le nom de sa mère.” (Article 141 du Code de l’enfant)

L’Anip au centre de la procédure

Structure de gestion de l’état civil au plan national depuis 2017, l’Agence nationale d’identification des personnes (Anip) est un acteur majeur de la question. Un formulaire de reconnaissance de paternité vraisemblablement établi par l’Agence fait partie des éléments précurseurs de la polémique sur la Toile. C’est au niveau de la structure et de ses démembrements dans les communes, que la déclaration de reconnaissance de paternité s’effectue en vue notamment de la mise en à jour régulière du registre national des personnes physiques :

“Le centre d’état civil auquel une copie du formulaire [de déclaration de naissance, Ndlr] a été transmise doit procéder à l’enregistrement de la naissance au Registre national des personnes physiques. L’enregistrement au Registre national des personnes physiques se fait sur la base des pièces de déclaration de naissance, d’acte de mariage des parents ou d’acte de reconnaissance de paternité. L’acte de reconnaissance de paternité est établi avec mention du numéro personnel d’identification du père reconnaissant. Tout enregistrement de naissance au Registre national des personnes physiques donne lieu à une inscription au Fichier national de l’état civil.” (Article 3 de la loi 2020-34 du 6 janvier 2021 portant Dispositions spéciales de simplification et de gestion dématérialisée de l’enregistrement des faits d’état civil).

Pourquoi maintenant ?

De fait, la situation semble davantage problématique en ce qui concerne les enfants naturels, c’est-à-dire ceux nés hors mariage de leurs parents. Là où la preuve de mariage suffit pour les enfants légitimes, il est plutôt exigé une attestation de reconnaissance de paternité quand les parents sont par exemple des concubins.

Pourtant, par le passé, la simple parole de la mère d’un nouveau-né suffit parfois pour inscrire le nom du père présumé sur la fiche de naissance. Dans ces conditions, “il y a trop de drames qui se jouent”, témoigne Me Alexandrine Saïzonou, présidente de l’Association des femmes avocates du Bénin. Pour elle, l’application effective des textes “permet à chaque parent d’assumer sa responsabilité” et aucun parent n’est pénalisé dans l’affaire.

“Il ne s’agit pas de priver un enfant du droit d’enregistrement à l’état-civil. L’enfant sera enregistré, mais l’agent accoucheur ne remplira pas la partie concernant ‘Père de l’enfant’ si on ne lui apporte pas l’un ou l’autre des deux actes”, renchérit le Gestionnaire Mandataire de l’Anip. Cyrille Gougbédji s’étonne même de l’émergence de la polémique :

“Il y a des enfants au Bénin qui ne connaissent pas leur père. Le débat actuel est surprenant. Lorsque le nom du père est inexistant, l’enfant évolue avec le nom de sa mère. C’est du bon sens !”

Néanmoins, Alexandrine Saïzonou a avertit les femmes : “On ne rencontre pas un homme pour lui faire un enfant sans son désir”.

Dans tous les cas, rassure le patron de l’Anip, “le système n’expose pas l’enfant ni la femme parce qu’il y a des garanties de protection sociale qui peuvent être activées”. Et de mettre en garde les hommes contre le chantage à leurs femmes enceintes autour de la déclaration de paternité : un tel acte sera sanctionné comme une violence basée sur le genre.

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