28 Sep
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A l’Assemblée nationale, les députés examinent depuis ce mardi 27 septembre le projet de loi portant modification du code de procédure pénale  en République du Bénin. Son adoption devrait permettre “d’humaniser et de moderniser” certaines peines appliquées aux justiciables selon le gouvernement. Mais, des citoyens craignent l’immixtion de l’exécutif dans le pouvoir judiciaire. 

En examen à l’Assemblée nationale sur demande du gouvernement, le  projet de loi portant modification et complément de la loi n°2018-14 du 18 mai 2018, portant code de procédure pénale en République du Bénin, donne au Président de la République les prérogatives de suspendre l’exécution d’une peine “lorsque celle-ci est justifiée pour des raisons sociales et humanitaires” et cela, après l’avis favorable du Conseil supérieur de la magistrature. 

Faite à la requête de la personne condamnée, la suspension  “ne saurait excéder 5 années civiles, renouvelable une seule fois. De plus, aucune suspension de l’exécution de la peine ne saurait excéder 10 ans, mais lorsqu’après le renouvellement, la durée de 10 années est expirée, la suspension produit les effets d’une grâce présidentielle.”, renseigne le compte rendu du conseil des ministres du mercredi 21 septembre 2022.

Pour l’exécutif, la loi portant modification du code pénal sur laquelle les députés se prononcent au cours d’une session extraordinaire ouverte le mardi 27 septembre, mentionne entre autres que “lorsque le renouvellement n’est pas ordonné au terme de la première période de 5 années, l’exécution de la peine reprend son cours sur réquisition du procureur de la République près le tribunal du lieu d’exécution de la peine et selon les dispositions du code de procédure pénale”

Des craintes

Des citoyens craignent la politisation de cette mesure juridique. 

Le 25 septembre, Wenceslas Mahoussi, enseignant-chercheur en sciences de l’information et de la communication à l’Université d’Abomey-Calavi, a exprimé des doutes quant à l’objectivité des nouveautés annoncées. Invité sur Panorama actu 7, une émission de Radio Bénin, le docteur a estimé que le projet de loi viserait plus les “gros bonnets qui sont en conflit avec la loi”.  

Le 26 septembre,  le spécialiste de la démocratie, Julio Tomety, s’est inquiété de voir certains condamnés se retrouver dans un rapport de domination s’ils bénéficient de la mesure de suspension de leurs peines. Sur Radio Bénin, le juriste s’interroge : “en  faisant bénéficier cette mesure à quelqu’un, sur le plan politique, est-ce que ce n’est pas une manière de lui imposer une forme d’attitude en société et que le contraire, pourrait amener le ministère public à revenir sur cette mesure de suspension dont il a bénéficié ?” Sur l’émission “Bonjour le Bénin”, il a également fait observer que “sur le plan purement politique, la grâce, elle est définitive alors que la mesure envisagée est une suspension”.

Aussi,  a laissé entendre Julio Tomey : “en termes de garantie de la séparation des pouvoirs, on peut déjà y voir une certaine ingérence un peu trop poussée de l’exécutif dans le judiciaire”

Les assurances du gouvernement

À la polémique autour du projet de loi portant modification du code pénal, l’exécutif béninois a réagi en relevant les insuffisances que contient l’ancien code pénal. Reçu lundi 26 septembre sur l’émission, “Bonjour le Bénin” de la Radio nationale, Wilfried Léandre Houngbedji, porte-parole du gouvernement, a expliqué que la grâce et l’amnistie prévues par le législateur, n’ont pas pris en compte certains types d’infractions. “Il n’a pas été possible jusqu’ici de mettre en œuvre ces mesures d’aménagement en fonction de leur gravité. On parle de certains crimes”, a-t-il martelé.

Le projet de loi en examen à l’Assemblée nationale, s’il est voté, va “compléter le dispositif des aménagements de peines afin de prendre en considération certains types d’infractions qui n’étaient pas visés jusque-là au regard de leur gravité”, a précisé le secrétaire général adjoint du gouvernement.  Il nuance toutefois “qu’il ne s’agit ni d’amnistie ni de grâce, mais de suspension de la peine en cours d’exécution”. Cela sous-entend une interruption momentanée d’une sanction déjà en application. 

Concernant l’influence du pouvoir exécutif sur le judiciaire lorsqu’il va être question de connaître des dossiers politiques , Houngbédji a assuré que chaque organe reconnaît les limites de ses domaines d’intervention conformément aux textes en vigueur au Bénin. “On ne parle pas d’immixtion de l’exécutif dans le judiciaire.  (…) Le judiciaire aura à achever son travail”, a-t-il clarifié. 

Il a ajouté que la mesure ne sera pas un instrument de règlement de comptes. L’initiative a une portée sociale et humanitaire. “Cette mesure-là, il ne s’agit pas de tenir en respect quelqu’un sur la scène politique“, a conclu Wilfried Léandre Houngbedji.

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